Covid 19 et droit de retrait dans la fonction publique territoriale

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Covid 19 et droit de retrait dans la fonction publique territoriale

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Covid 19 et droit de retrait dans la fonction publique territoriale

L’article 5-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985, relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, dispose que :

« Si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, il en avise immédiatement son supérieur hiérarchique.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’autorité territoriale prend les mesures et donne les instructions nécessaires pour permettre aux agents, en cas de danger grave et imminent, d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement leur lieu de travail.
Aucune sanction ne peut être prise, aucune retenue de rémunération ne peut être effectuée à l’encontre d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou pour leur santé.
La faculté ouverte au présent article doit s’exercer de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.
L’autorité territoriale ne peut demander à l’agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.
La détermination des missions de sécurité des personnes et des biens qui sont incompatibles avec l’exercice du droit de retrait individuel défini ci-dessus en tant que celui-ci compromettrait l’exécution même des missions propres de ce service, notamment dans le cadre de la sécurité civile et de la police municipale, est effectuée par voie d’arrêté interministériel du ministre chargé des collectivités territoriales, du ministre chargé du travail et du ministre dont relève le domaine, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ».

Ces dispositions permettent à tout agent de se retirer de son poste de travail, s’il estime être dans une situation permettant de raisonnablement envisager, qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

L’exercice du droit de retrait légitime ne peut bien entendu justifier aucune sanction disciplinaire, ni aucune suspension de traitement, sauf si l’exercice du droit de retrait est considéré comme abusif.

Toutefois, le motif raisonnable de danger grave et imminent doit être objectivement partagé, tant par l’agent que par l’autorité territoriale. Néanmoins, l’autorité territoriale ne peut non plus sanctionner un agent au seul motif qu’elle ne partage pas son appréciation quant à la gravité de la situation.

Les points de vue peuvent donc être radicalement entre l’agent qui souhaite préserver sa santé et l’autorité territoriale qui s’attache à assurer la continuité du service public. Chacun doit donc faire preuve d’objectivité.

Au sens des dispositions précitées, la situation doit donc remplir les caractéristiques cumulatives et objectives suivantes :

  • Un danger grave caractérisé par le fait que la situation est susceptible de provoquer une maladie pouvant entraîner la mort ou une incapacité permanente ou temporaire prolongée ;
  • Un danger imminent, caractérisé par la survenance de l’accident, dans un délai particulièrement immédiat.

Les conditions liées à la situation actuelle liées au covid-19 pourraient de prime abord, apparaitre réunies. Toutefois, le filtre du danger grave doit être apprécié au regard des caractéristiques mêmes, du poste occupé par l’agent.

Qu’en est-il alors d’un agent qui n’est pas en contact avec les administrés et qui travaille seul ?

Il ne peut dans ces conditions se sentir potentiellement plus menacé dans l’exercice de ses fonctions, que dans sa vie personnelle. Compte tenu des circonstances, l’organisation du travail peut être assimilée à des conditions normales d’exercice, même en cette période particulière.

L’agent qui envisage de faire usage de son droit de retrait doit en aviser sans délai, l’autorité hiérarchique. Un dialogue peut alors s’instaurer avec l’agent le cas échéant, pour faire cesser le danger, ce qui n’est bien entendu pas envisageable en l’espèce.

Toutefois, ce dialogue peut permettre à l’autorité territoriale d’expliquer à l’agent que la mise en œuvre de ces conditions de travail, si besoin en les précisant, ne fait pas courir à l’agent des risques d’exposition particuliers au coronavirus.

En l’espèce, la mise en œuvre des conditions de travail par les autorités territoriales, doit être guidée par l’extrême prudence, notamment si des agents présentent déjà un état de santé fragilisé.

Le télétravail lorsqu’il est possible doit être encouragé. Cette solution n’est bien entendu pas applicable à la plupart des agents techniques des collectivités locales et il convient de mettre en œuvre le cas échéant, les plans de continuité de l’activité, ou la fermeture de certains services.

Les collectivités locales doivent dans ce contexte particulier, organiser leurs réactions opérationnelles et assurer le maintien de leurs services publics indispensables à la satisfaction des besoins de la population.

Il appartient donc à l’autorité territoriale de déterminer les agents qui doivent être impérativement présents dans les services et ceux pour lesquels le télétravail est envisageable.

Les missions de ces personnes ressources doivent être considérées comme indispensables pour les besoins de la population et pour leur propre fonctionnement interne, comme le maintien en partie, du service des ressources humaines pour assurer le traitement des paies des agents ou encore, le service de la comptabilité, pour assurer le paiement des factures des entreprises.

L’ensemble des mesures de distanciation sociale et de gestes barrières doivent être respectées, par ces personnels.

Il en résultera par exemple des restrictions d’accueil du public, des restrictions d’horaires d’ouverture, des accueils téléphoniques privilégiés et des informations de préférence, délivrées par courriers électroniques.

Dans un premier temps, il convient de préciser à l’agent qui souhaiterait exercer son droit de retrait par écrit, le contenu de cette organisation, en lui démontrant qu’il n’est exposé à aucun risque particulier, de par ses fonctions.

En réalité, l’argument tient à démontrer que dans le total respect des règles de distanciations sociales et de gestes barrières, il n’encourt aucun risque supplémentaire par rapport à l’exercice habituel de ses fonctions et même qu’en dehors de son exercice professionnel.

Sur ce point, le tribunal administratif de Versailles avait considéré dans un jugement du 2 juin 1994, que la présence, dans un établissement hospitalier, de malades porteurs des virus HIV et hépatite B, ne constituait pas un danger grave et imminent caractérisé, pour les agents des services hospitaliers.

A la suite de la discussion entre l’autorité territoriale et l’agent et des réponses apportées par l’administration à ce dernier, il décidera ou non d’exercer son droit de retrait.

Si tel était le cas, il conviendrait alors de préciser à l’agent que l’autorité territoriale estime que l’exercice de son droit de retrait est illégitime et qu’il s’expose ainsi à des conséquences financières, en termes de retenue de traitement.

Il appartiendra à l’autorité territoriale de tirer les conséquences de l’exercice du droit de retrait, estimé illégitime.

Thomas Porchet
DROUINEAU 1927
Avocat