La gestion du domaine public supporte-t-elle les servitudes conventionnelles de droit privé ?

Actualités juridiques Drouineau 1927

La gestion du domaine public supporte-t-elle les servitudes conventionnelles de droit privé ?

Autres actualités

Les obligations déontologiques de l’infirmier

Les obligations déontologiques de l’infirmier appréciées à l’occasion d’une sanction disciplinaire adoptée par l’établissement public employeur Les infirmiers exerçant leurs fonctions au sein d’un établissement public sont responsables disciplinairement d’une part, devant leur Ordre comme...

France Travail : obligations et conventions de gestion

Les obligations de France Travail dans l’exécution des conventions de gestion conclues avec des collectivités locales et des établissements publics Les collectivités locales et les établissements publics notamment hospitaliers, concluent des convention de gestion avec...

Gestion de l’eau 

Gestion de l’eau : une circulaire ministérielle pour poursuivre la mise en œuvre locale du « Plan Eau » Le 30 mars 2023, le Gouvernement publiait son « plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau », dit...

Simplification administrative en matière funéraire

Décret n° 2024-790 du 10 juillet 2024 : vers une simplification administrative en matière funéraire Le décret n° 2024-790 du 10 juillet 2024, portant mesures de simplification administrative dans le domaine funéraire est entré en vigueur...

Fonction publique territoriale 

Fonction publique territoriale : La volonté de faire exécuter à un agent les obligations découlant de sa fiche de poste n’est (heureusement !) pas constitutive d’une situation de harcèlement moral à son encontre L’article L. 121-1 du...

Recul du trait de côte : le cadre réglementaire s’étoffe

Nouveau droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte : le cadre réglementaire s’étoffe Un décret n°2024-638 publié au Journal Officiel le 29 juin 2024 précise les modalités d’application du nouveau droit...

Le marché immobilier côtier à l’aube d’un retournement rapide 

Désir de rivage versus réalité : Le marché immobilier côtier à l’aube d’un retournement rapide. Le « désir de rivage », très bien illustré dans l’ouvrage d’Alain Corbin « le territoire du vide » paru en 2018 chez Flammarion explique,...

Sur-fréquentation maritime des côtes 

Sur-fréquentation maritime des côtes : vers un élargissement des pouvoirs de police municipale en mer ? Dans un communiqué publié le 27 mai 2024, l’Association des Maires de France (AMF), l’Association Nationale des Elus des Littoraux (ANEL)...

Les conventions entre personnes publiques « hors marché »

Pour rappel, les personnes publiques ont la faculté de confier la gestion d’un service public dont elles ont la responsabilité à un ou plusieurs opérateurs économiques dans le cadre d’une convention de délégation de service...

Qualité d’électeur et délibération à caractère budgétaire

La simple qualité d’électeur ne confère pas un intérêt à agir contre une délibération à caractère budgétaire. Une délibération à caractère budgétaire est celle qui met une dépense à la charge d’une collectivité ou génère...

En découvrir plus sur le cabinet Drouineau 1927

Toutes les actualités

La gestion du domaine public supporte-t-elle les servitudes conventionnelles de droit privé ?

Il est intéressant de regarder les jurisprudences parfois plus anciennes qui commentent des dispositions antérieures du droit de la domanialité publique.

C’est le cas de cette décision du conseil d’État du 14 décembre 2011 rendue sous le numéro 337 824 aux termes de laquelle la commune de Marcillac la Croisille, située dans le département de la Corrèze, a vu la requête de l’un de ses administrés rejetée.

Il s’agissait du propriétaire d’un château jouxtant la place de la mairie de la commune qui revendiquait la démolition de deux murets érigés en vue de l’aménagement de cette place.

Il rappelait qu’une servitude « non aedificandi » (interdiction de construire) illimitée dans le temps avait été consentie par la commune dans l’acte de vente de la parcelle correspondant à la place de la mairie signée le 1er mai 1880 avec le grand-père du propriétaire actuel du château.

Demandant la démolition de ce mur, le propriétaire du château, descendant dudit grand-père, avait vu sa demande rejetée par la commune, refus qu’il avait déféré au tribunal administratif de Limoges puis à la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Cette dernière avait confirmé le jugement du tribunal administratif de Limoges rejetant la requête.

Le conseil d’État livre une analyse fort intéressante en tant qu’elle est centrée sur les dispositions antérieures à l’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques.

Il conclut qu’antérieurement à la date d’entrée en vigueur de ce code, dont on rappelle qu’il s’agit du 1er juillet 2006, il résultait des principes de la domanialité publique que les servitudes conventionnelle de droit privé pouvaient être maintenues sur une parcelle appartenant au domaine public à la double condition d’avoir été consentie antérieurement à l’incorporation de cette parcelle dans le domaine public et d’être compatible avec son affectation.

Ces règles, issues des « principes de la domanialité publique » interdisent qu’il puisse être consenti sur une dépendance du domaine public une servitude conventionnelle de droit privé.

Le Conseil d’Etat statue régulièrement sur ces sujets, et notamment dans une décision éclairante mentionnée dans les tables du recueil LEBON en date du 26 février 2016 sous le numéro 383 935, la servitude de passage revendiquée  étant  » en tout état de cause, incompatible avec l’affectation de la dépendance du domaine public qu’elle grèverait au service public de l’éducation, dès lors, d’une part, que son usage risquerait de perturber le déroulement des activités pédagogiques, d’autre part, qu’elle ferait peser un risque sur la sécurité de l’établissement en rendant difficile le contrôle des flux entrants et sortants du lycée ; « 

Le conseil d’État, ayant rappelé l’état antérieur du droit et les principes de la domanialité publique, examine alors la compatibilité de l’existence de cette servitude conventionnelle de droit privée avec l’affectation du domaine public.

L’article L 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques rappelle cette notion d’affectation du domaine public, et l’obligation qui est faite de la respecter dans l’utilisation et l’occupation du domaine public.

En omettant de rechercher cette compatibilité la cour d’appel avait commis une erreur de droit.

Le conseil d’État considère, à l’examen précis de la servitude de 1881 que cette dernière n’avait d’autre objet que d’interdire de masquer la vue du château ou d’en rendre l’accès plus difficile.

Et il considère, son mètre à la main, que les murets édifiés, d’une hauteur de 50 cm, disposés en face de la propriété ne peuvent avoir pour effet de masquer la vue. Il ajoute que la distance de 6 mètres qui sépare les murets du portail d’entrée du château n’en gênent pas l’accès.

Ainsi, il n’y a ni gêne sur la vue ni gêne sur l’accès au château, la servitude conventionnelle de droit privé consentie sur le domaine public n’ayant de la sorte pas été méconnue.

Lecture intéressante car historique et pratique, qui montre que plusieurs décennies après leur constitution, les servitudes conventionnelles de droit privée consenties par acte authentique avant le 1er juillet 2006 gardent toute leur pertinence, même sur le domaine public, lorsqu’elles sont bien rédigées.

Thomas Drouineau
DROUINEAU 1927
Ancien Bâtonnier
Avocat spécialiste en droit public