Les praticiens de santé face à l’échec de la conciliation organisée dans le cadre d’une plainte déposée par un patient

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Les praticiens de santé face à l’échec de la conciliation organisée dans le cadre d’une plainte déposée par un patient

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Les praticiens de santé face à l’échec de la conciliation organisée dans le cadre d’une plainte déposée par un patient

L’article L. 4123-2 du code de la santé publique, dispose que :
« (…). Lorsqu’une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l’auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte en vue d’une conciliation. En cas d’échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l’avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte, en s’y associant le cas échéant (…) ».

Ces dispositions, ainsi applicables aux médecins, aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes, ont également été étendues aux infirmiers par le III de l’article L. 4312-3 du même code.

Ainsi, les infirmiers, les chirurgiens-dentistes et les médecins, doivent se soumettre à la tentative de conciliation préalable à l’éventuelle transmission de la plainte d’un patient, à la chambre disciplinaire de première instance.

Si la conciliation aboutit, alors la plainte n’est pas transmise à la chambre disciplinaire de première instance. Si en présence des parties, la conciliation n’a pu aboutir, alors la plainte est transmise à la chambre disciplinaire de première instance et le conseil départemental de l’Ordre peut ou non, s’y associer.

Si le refus du praticien de se rendre à la réunion de conciliation ne constitue pas une faute déontologique, sa présence est néanmoins requise, puisque son absence emporte nécessairement établissement d’un procès-verbal de carence de conciliation et donc, transmission de la plainte à la chambre disciplinaire de première instance.

Il est toutefois assez fréquent que les patients plaignants, ne se prêtent pas à la tentative de conciliation.

Que doit-on alors déduire de l’absence du plaignant à la réunion de conciliation ?

C’est sur ce point que les chambres disciplinaires nationales des ordres, adoptent des lectures radicalement différentes des mêmes dispositions de l’article L. 4312-3 du code de la santé publique.

Concernant l’Ordre des chirurgiens-dentistes, l’absence de l’auteur de la plainte n’a pas pour effet de rendre cette dernière irrecevable, devant la juridiction disciplinaire.

À titre d’exemple, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a considéré dans sa décision n° 1846 du 27 décembre 2010, à propos d’une plainte déposée par un praticien à l’encontre d’un confrère et rendue au visa de l’article R. 4127-259 du code de la santé publique, que :
« Sur la recevabilité des plaintes dont a été saisie la juridiction disciplinaire à l’encontre du Docteur H. :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les chirurgiens-dentistes, auteurs de plaintes à l’encontre du Docteur H. ne se soient pas rendus à la tentative de conciliation organisée par le président du conseil départemental de l’Ordre en application de l’article R. 4127-259 du code de la santé publique, n’a pas eu pour effet de rendre leurs plaintes irrecevables devant la juridiction disciplinaire (…) ».

Concernant l’Ordre des médecins, l’absence de l’auteur de la plainte emporte nécessairement établissement d’un procès-verbal de carence de conciliation.

Certains conseils départementaux ont pour habitude d’adresser à l’auteur de la plainte absent, une lettre lui demandant de confirmer sa volonté de se désister. En l’absence de réponse, la plainte est considérée comme maintenue et est donc transmise à la chambre disciplinaire de première instance.

À titre d’exemple, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a considéré dans sa décision n° 13493 du 17 octobre 2018, que :
« 7. Considérant que la chambre disciplinaire de première instance, pour prononcer cette condamnation à l’encontre de Mme B, s’est fondée sur la circonstance que ses griefs n’étaient pas fondés, ce qui en soi ne saurait suffire à caractériser un abus de droit au recours, mais également sur le fait que la plaignante avait confondu le Dr A avec le Dr L-A, également cardiologue exerçant à Fontainebleau qui aurait dispensé à Mme J-B en 2005 des soins dont Mme B aurait eu à se plaindre et que cette confusion n’avait pu subsister qu’en raison de l’absence non justifiée de la plaignante à la réunion de conciliation ; que cette circonstance n’est pas de nature à caractériser un abus ; qu’il convient donc de faire droit aux conclusions d’annulation de Mme B sur ce point ».

Dans le cas d’espèce, la plainte apparaissait mal dirigée en raison de l’absence non justifiée de la plaignante à la réunion de conciliation. Cette absence pourtant non justifiée a donc fondé la transmission de la plainte à la chambre disciplinaire de première instance et la chambre disciplinaire nationale a considéré que cette circonstance n’était pas de nature à caractériser un recours abusif.

Enfin, concernant l’Ordre des infirmiers, contrairement aux deux ordres précédents et sur le fondement des mêmes dispositions applicables, l’absence du plaignant à la réunion de conciliation, emporte désistement.

Pour exemple, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des infirmiers a considéré dans sa décision n° 42-2018-00203 du 15 février 2019, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique :
« qu’il résulte de l’ensemble de ces textes qu’en cas de non-présentation à la convocation de l’auteur d’une plainte, qui ne manifeste pas, par tout moyen, la persistance de sa volonté de porter plainte, ce dernier est réputé s’être désisté de sa plainte, qu’il peut, en tout état de cause, reprendre à nouveau s’il s’y croit fondé, en saisissant à nouveau le conseil départemental ».

Ainsi, en l’absence du plaignant qui ne manifeste pas sa volonté de maintenir sa plainte, cette dernière est considérée comme retirée. Le plaignant dispose toujours de la possibilité de saisir à nouveau le conseil départemental.
Ainsi, les chambres disciplinaires nationales de ces trois ordres interprètent différemment la portée de ces dispositions identiques.

Pour les chirurgiens-dentistes et les médecins, l’absence du patient plaignant à la réunion de conciliation emportera nécessairement transmission de la plainte à la chambre disciplinaire.

En revanche pour les infirmiers, en l’absence du patient plaignant qui ne manifeste pas sa volonté de maintenir sa plainte, il est regardé comme s’étant désisté. La plainte ne sera ainsi pas transmise à la chambre disciplinaire de première instance.

Cette dernière solution apparaît être la plus rationnelle et la plus respectueuse des procédures, le patient disposant toujours de la possibilité de saisir à nouveau le conseil départemental de l’Ordre.

Cette interprétation permet simplement la mise en place d’une certaine forme de « filtre », permettant la transmission à la chambre disciplinaire des plaintes qui n’apparaissent ni fantaisistes, ni dilatoires, ni abusives.

En effet, les patients plaignants absents lors de la réunion de conciliation et qui ne manifestent plus aucun intérêt au maintien de la plainte, se désintéressent généralement de la procédure et sont fréquemment absents à l’audience de la chambre disciplinaire de première instance. Il peut en être de même à l’audience de la chambre disciplinaire nationale, dans l’éventualité où certains d’entre eux, auraient interjeté appel de la décision de première instance.

En revanche, les praticiens doivent quant à eux se rendre à ces audiences afin d’expliquer oralement, aux membres des chambres disciplinaires, la pratique de leur art, dans les cas d’espèce.

Thomas Porchet
DROUINEAU 1927
Avocat