Le préjudice moral des communes du fait de la durée excessive des procédures : une appréciation minimaliste

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Le préjudice moral des communes du fait de la durée excessive des procédures : une appréciation minimaliste

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Le préjudice moral des communes du fait de la durée excessive des procédures : une appréciation minimaliste

Dans une décision du 8 juin 2020 n°C4185 le tribunal des conflits est venu apporter une réflexion instructive quant à l’appréciation de l’ampleur du préjudice moral d’une commune du fait des durées excessives d’une série de procédures.

Il faut dire que le parcours procédural subi par la commune de Saint Esprit est édifiant.

En 2001, la commune de Saint Esprit confie à une société la gestion technique et financière d’une salle municipale de spectacles.

Le contrat est non renouvelé à compter du 1er juin 2007 et la société libère les lieux avant de faire l’objet d’une liquidation judiciaire.

À la suite de cette décision de non renouvellement du contrat plusieurs actions sont engagées par la société ainsi que par la commune.

Et le parcours procédural commence autour des hésitations de qualification, domaine public ou domaine privé, des locaux loués.

Soutenant être titulaire d’un bail commercial, la société saisit la juridiction judiciaire de l’irrégularité du congé délivré par la commune.

Le tribunal de Fort-de-France retient l’existence d’un bail commercial et juge le congé nul.

Le 16 octobre 2009 la cour d’appel de Fort-de-France estime qu’il y a lieu avant de statuer sur l’appel de la commune de trancher la question de savoir si les locaux loués appartiennent au domaine public ou au domaine privé de la commune.

La Cour de cassation le 18 mai 2011 estime que la cour d’appel aurait dû surseoir à statuer jusqu’à ce que le juge administratif, saisi par la question préjudicielle, se prononce sur cette question.

La cour d’appel de Fort-de-France, cour d’appel de renvoi, statue alors le 1er mars 2013 et conclut au caractère administratif du contrat en raison de son objet et des clauses exorbitantes de droit commun.

La Cour de cassation nouvellement saisie rejette le pourvoi le 15 octobre 2014.

Dans l’intervalle, la société avait saisi le 1er avril 2010 la juridiction administrative d’une demande de condamnation de la commune au regard du préjudice causé du fait d’une renouvellement de la convention.

La requête est transmise au conseil d’État le 29 décembre 2011.

Par une ordonnance du 3 février 2012 le président de section du contentieux transmet la requête au tribunal administratif de Basse-Terre qui statue le 19 février 2015.

Le 2 août 2017 la cour d’appel de Bordeaux renvoie au tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence. Le 12 février 2018 ce tribunal retenant la compétence des juridictions administratives renvoie la cause et les parties devant la cour qui statue par un arrêt du 12 juillet 2018 devenu définitif le 12 juin 2019 par suite de la non admission du pourvoi en cassation.

Plusieurs autres actions ont été parallèlement engagées sur les questions de voie de fait, d’expulsion, d’occupation de la salle de spectacle à la suite d’un ouragan puis d’un séisme…

Ce parcours procédural relève effectivement de l’ouragan ou du séisme judiciaire !

La commune de Saint Esprit ne sachant plus à quel saint se vouer, sollicite alors le Ministre de la Justice, afin d’être indemnisée en raison des préjudices matériels et moraux subis du fait de la durée excessivement longue de ces procédures.

Elle réclame une somme de 202 449,20 €.

Le Tribunal des Conflits analyse dans son considérant numéro 9 ce que l’on doit entendre par le caractère excessif d’un délai de jugement.

Il précise que « le caractère excessif du délai de jugement d’une affaire doit s’apprécier en tenant compte des spécificités de chaque affaire et en prenant en compte la complexité, les conditions de déroulement des procédures et le comportement des parties tout au long de celle-ci ainsi que l’intérêt qu’il peut y avoir pour l’une ou l’autre des parties au litige à ce que celui-ci soit tranché rapidement. »

Nous avons donc là les conditions d’appréciation du caractère excessif de la durée des procédures.

Les communes comme n’importe quel justiciable, pourront analyser au cas par cas ce qu’il y a lieu d’en penser dans les litiges qui les concernent.

Au cas particulier, le tribunal des conflits considère que la durée totale des procédures contentieuses depuis la saisine de la juridiction judiciaire est de plus de 12 ans, ce qui doit être regardé comme excessif compte tenu de l’absence de complexité spécifique du litige…

La responsabilité de l’État est engagée.

Le préjudice moral » lié à une situation prolongée d’incertitude » vaut la somme de 4000 € au paiement de laquelle l’État est condamné…

Le préjudice moral et le caractère excessif des procédures sont appréciées de manière excessivement peu réaliste par le tribunal des conflits.

12 ans de procédure engendrerait un préjudice de 4000 € !

Voilà une analyse singulièrement déconnectée de la réalité de ce que vivent les justiciables au gré de leurs aventures judiciaires. Il est de la responsabilité des avocats de présenter des demandes bien étayées et bien construites, pour qu’à ces questions précises des juges et greffiers spécialisés et compétents répondent vite.

Oui, ce monde idéal n’est pas encore là, mais gageons que l’énergie de notre nouveau Ministre de la Justice entraîne les participants à l’oeuvre de justice à un vrai service public de la justice, véritablement au service du justiciable, pour ne plus lire de telles aberrations judiciaires.

Thomas Drouineau
Avocat associé
DROUINEAU 1927