Les délais de recours contentieux en urbanisme pendant la crise sanitaire

Actualités juridiques Drouineau 1927

Les délais de recours contentieux en urbanisme pendant la crise sanitaire

Autres actualités

Loi Littoral : les foodtruck en espace remarquable

Les dispositions de la Loi Littoral souffrent de quelques imprécisions qui nécessitent un travail d’interprétation. La question de la présence de foodtrucks en bord de plage, en espace remarquable, en fait partie. Les communes sont...

Préjudice corporel : le principe de réparation intégrale

Le principe de réparation intégrale en droit du préjudice corporel Il résulte des dispositions de l’article 1240 du code civil que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par...

Fonction publique : annulation de sanction et indemnisations

Fonction publique : sanction disciplinaire annulée pour un motif de forme et conclusions indemnitaires Lorsqu’une décision de sanction a été annulée par le juge de l’excès de pouvoir pour un motif de légalité externe, l’agent peut...

Le recul du trait de côte

Le recul du trait de côte : la liste des communes littorales menacées s’allonge Dans le contexte d’une juste agitation au sujet de l’érosion côtière, un projet de décret révisant la liste des communes dont la...

Le caractère grave et spécial du préjudice invoqué par le requérant

L’appréciation par le juge administratif du caractère grave et spécial du préjudice invoqué par le requérant : Il est de jurisprudence constante que les riverains des voies publiques ont la qualité de tiers par rapport...

Fonction publique : procédure pour abandon de poste 

Fonction publique et procédure pour abandon de poste : la mise en demeure peut parfaitement inviter l’agent à reprendre son service en débutant par la visite médicale de reprise. Il est de jurisprudence constante qu’une mesure...

Le manque de préparation des communes littorales françaises au recul du trait de côte

Le 12 mars, à l’occasion de la publication de son rapport annuel pour l’année 2024, la Cour des comptes a formulé de vives critiques concernant la gestion du recul du trait de côte en France....

Les risques naturels dans l’instruction des autorisations d’urbanisme

La prise en compte impérative des risques naturels dans l’instruction des autorisations d’urbanisme. Tempêtes, incendies, inondations, érosion du littoral : les évènements climatiques de grande ampleur se multiplient et leurs conséquences s’aggravent. Les illustrations du dérèglement...

Les modalités de la gestion quantitative de la ressource en eau 

Instruction du 14 décembre 2023 relative à la mise en œuvre du décret n°2021-795 du 23 juin 2021 et du décret n°2022-1078 du 29 juillet 2022 relatifs à la gestion quantitative de la ressource en...

Urbanisme et prévention des incendies

Urbanisme et prévention des incendies : un projet de décret pris en application de la loi du 10 juillet 2023 complète le régime des « zones de dangers » La loi n°2023-580 du 10 juillet 2023 renforce les...

En découvrir plus sur le cabinet Drouineau 1927

Toutes les actualités

Les délais de recours contentieux en urbanisme pendant la crise sanitaire

Les réponses aux questions sur le sort des délais de recours contentieux durant la période actuelle figurent dans l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Les questions qui se posent concernent tant le déclenchement que l’expiration de ces délais, durant la période d’urgence sanitaire et même au-delà.

L’ordonnance régit en effet le sort de ces délais durant une période qui va au-delà de la période d’urgence sanitaire, et que l’on pourrait qualifier de « période juridiquement protégée » (expression utilisée dans la circulaire du 26 mars 2020 – rectifiée le 30 mars).

Cette période s’étend du 12 mars 2020, date de la première prise de parole du Président de la République relative à l’épidémie du covid 19, au 24 juin 2020 à 23h59 (période d’urgence sanitaire du 12 mars au 24 mai 2020 + 1 mois).

Les mesures adoptées dans l’ordonnance sont notamment destinées à adapter les délais de recours contentieux qui auraient été applicables en période normale, aux contraintes de la crise sanitaire, particulièrement celles liées au confinement. Il s’agit alors d’une part, d’adapter les délais applicables au  dépôt  des demandes durant la période juridiquement protégée, et d’autre part, de reporter ou suspendre le terme des délais qui devaient expirer durant cette même période.

Pour rappel, le report d’un délai signifie qu’à compter de la date de reprise du délai, celui-ci reprendra à nouveau pour son intégralité tandis que la suspension d’un délai signifie qu’à compter de la date de reprise, celui-ci reprendra pour la durée restant à courir.

LES RÈGLES A RETENIR

Les conséquences des mesures adoptées par le gouvernement sur les délais de recours contentieux en urbanisme sont diverses. Tout dépend de la date d’adoption de la décision, et donc de la date d’expiration du délai de recours à l’égard de cette décision.

LES DÉCISIONS ADMINISTRATIVES ADOPTÉES AVANT LE 12 MARS 2020

  • Les décisions dont le délai de recours est déjà expiré à la date du 12 mars 2020

Ces décisions administratives adoptées tacitement ou explicitement avant le 12 mars ne sont naturellement pas remises en cause.

  • Les décisions dont le délai de recours devait en principe expirer durant la période juridiquement protégée

L’article 2 de l’ordonnance précise que tout recours qui aurait dû être accompli pendant la période juridiquement protégée pourra être effectué dans le délai légalement imparti pour agir sans pouvoir excéder 2 mois, à compter de la fin de la période juridiquement protégée.

Autrement dit, lorsque les délais de recours contentieux à l’égard de ces actes auraient dû expirer pendant la période juridiquement protégée, ces délais sont reportés, de telle sorte qu’ils débuteront à nouveau pour leur intégralité à compter de la fin de la période juridiquement protégée.

Il en résulte que les délais de recours contre les décisions d’urbanisme adoptées avant le 12 mars, et qui auraient dû expirer durant la période juridiquement protégée, reprendront le 24 juin pour expirer le 24 août 2020.

Ce report concerne tant les délais de recours des pétitionnaires que ceux des tiers.

Exemple :

Un permis de construire a été délivré au pétitionnaire le 20 février 2020, le pétitionnaire a régulièrement affiché le permis de construire à compter de cette même date, et est en mesure de le démontrer, le délai de recours des tiers expire en principe le 21 avril 2020, soit, durant la période juridiquement protégée. Il en résulte alors que le délai de recours des tiers est reportée jusqu’au 24 août 2020.
Un refus de permis de construire a été notifié au pétitionnaire le 26 février 2020, le délai de recours du pétitionnaire expire en principe le 27 avril prochain, soit, durant la période juridiquement protégée. Il en résulte alors que le délai de recours du pétitionnaire est reporté jusqu’au 24 août 2020.

Remarque : la mention des voies et délais de recours qui figurait dans la notification des décisions notifiées par l’administration avant l’ordonnance, et dont le délai de recours devait expirer durant la période juridiquement protégée, est désormais erronée, ce qui rend le délai de recours inopposable, quel qu’il soit (l’ancien délai applicable en période normale, et le nouveau délai, applicable en période d’urgence).

Par conséquent, l’autorité administrative a tout intérêt, par mesure de précaution, à informer les pétitionnaires concernés de ce nouveau délai de recours.

LES DÉCISIONS ADMINISTRATIVES ADOPTÉES APRÈS LE 12 MARS 2020

Aucune décision tacite ne peut intervenir durant la période dérogatoire. Rien n’empêche en revanche à l’autorité administrative d’adopter des décisions d’urbanisme pendant la période juridiquement protégée.

Remarque : si l’administration adopte des décisions d’urbanisme durant cette période, elle doit intégrer, dans le courrier de notification de ses décisions, les nouvelles règles relatives aux délais de recours issues de l’ordonnance.

Or, il faut savoir que le sort des délais de recours de ces décisions diffère selon que le délai de recours expire en principe durant la période juridiquement protégée, ou après.

  • Les décisions dont le délai de recours devait en principe expirer durant la période juridiquement protégée

Le sort du délai de recours de ces décisions est identique à celui des décisions adoptées avant le 12 mars et dont le délai de recours devait expirer en principe durant la période juridiquement protégée (voir le 1-b)).

Ainsi, et pour rappel : les délais de recours sont reportés, de telle sorte qu’ils débuteront à nouveau pour leur intégralité à compter de la fin de la période juridiquement protégée. Il en résulte un délai de recours qui reprend le 24 juin pour expirer le 24 août.

Ce report concerne tant les délais de recours des pétitionnaires que ceux des tiers.

Exemple :
Un permis de construire a été délivré le 20 mars 2020, et le pétitionnaire a régulièrement affiché le permis de construire à compter de cette même date, le délai de recours des tiers expire en principe le 21 mai 2020, soit, durant la période juridiquement protégée. Il en résulte alors que le délai de recours des tiers est reportée jusqu’au 24 août 2020.
Un refus de permis de construire a été notifié au pétitionnaire le 26 mars 2020, le délai de recours du pétitionnaire expire en principe le 27 mai prochain, soit, durant la période juridiquement protégée. Il en résulte alors que le délai de recours du pétitionnaire est reporté jusqu’au 24 août 2020.

  • Les décisions dont le délai de recours contentieux doit expirer après la période juridiquement protégée

L’hypothèse concernée est celle de la décision d’urbanisme adoptée durant la période juridiquement protégée, et dont le délai de recours expire après cette période.

L’ordonnance n’envisage pas le report des délais de recours contentieux dont l’expiration intervient au-delà de la période juridiquement protégée.

Il en résulte alors que le délai de recours de ces décisions n’est pas reporté. Peu importe que le délai de recours ait été déclenché durant la période juridiquement protégée.

Exemple :
Un refus de permis de construire est notifié le 27 avril 2020 au pétitionnaire, le délai de recours contentieux est toujours déclenché par la notification régulière de la décision au pétitionnaire, de telle sorte qu’il peut expirer après la période juridiquement protégée, soit, en l’occurrence le 29 juin 2020 (le 28 juin étant un dimanche).
Un permis de construire est délivré le 26 avril également et affiché régulièrement sur le terrain le 28 avril suivant, le délai de recours des tiers expirera le 29 juin prochain, si le pétitionnaire est naturellement en mesure de démontrer l’effectivité de cet affichage.
Cette solution pourrait être discutée puisqu’un affichage de permis durant la période juridiquement protégée pourrait plus facilement passer inaperçu, vu les circonstances, et expirer peu de temps après la période dérogatoire, sans que personne n’ai pris connaissance de l’autorisation délivrée.
Aucune disposition de l’ordonnance n’envisage cependant cette hypothèse de telle sorte que si le pétitionnaire est en mesure de démontrer qu’il a accompli les formalités de publicité de l’autorisation d’urbanisme délivrée, le délai de recours des tiers commencera à courir pendant cette période.
En cas de recours contentieux des tiers, si l’irrecevabilité pour recours tardif est soulevée en défense, c’est un point qui sera probablement discuté, compte tenu des circonstances pendant lesquelles le permis aura été affiché.

Remarque : l’administration doit être vigilante sur la mention des voies et délais de recours des décisions administratives adoptées après le 12 mars 2020.
Pour celles des décisions dont il existe une incertitude sur la date de réception du courrier de notification, et donc d’expiration du délai de recours (pendant ou après la période juridiquement protégée), pour des raisons qui peuvent notamment être liées, au délai inconnu de livraison des courriers de notification, l’administration a tout intérêt à mentionner, dans le courrier de notification, les deux hypothèses précitées.

Julie Verger
Avocat associée
DROUINEAU 1927